Le retour du jeans Made in France

Depuis le XVIème siècle le tissu appelé jean est utilisé par la marine génoise, afin de fabriquer les voiles des navires ainsi que pour habiller les marins. La réputation de la ville de Gênes n’étant plus à faire, elle commença à exporter sa toile de coton et de lin dans toute l’Europe, notamment en France pour diverses utilisations (toiles de tente, voiles de navires).

La famille André, grand tisserand de la région nîmoise, tente de reproduire ce tissu mais en vain. Après plusieurs expérimentations, ils réussirent à mettre au point au XVIIème siècle une toile de laine et de soie connue aujourd’hui sous le nom de denim (de Nîmes). La toile denim avec sa couleur beige était réputée pour sa résistance et devint l’habit de prédilection des bergers cévenols. Elle fut par la suite exportée à Gênes et teintée en bleu indigo afin de la rendre moins salissante. Outre-Atlantique, un brevet fut déposé le 20 Mai 1873 par Jacob Davis : c’est la naissance du pantalon de travail renforcé par des rivets en cuivre au niveau des points sensibles (poches, braguettes). Mais celui-ci fut exclusivement fabriqué en coton.

Aujourd’hui, le jeans est devenu un incontournable de la garde-robe mondiale, il est principalement fabriqué en Asie avec du coton venu d’Afrique et d’Asie, ce qui pose malheureusement des problèmes écologiques dus à sa culture (en moyenne 11 000 litres d’eau par kilogramme de coton) et le transport à travers le monde.

Des artisans français soucieux de l’empreinte écologique du processus de fabrication du jean ont décidé de faire renaître un savoir-faire national vieux de trois siècles. Le denim Made in France arrive !

A Roman-sur-Isère, capitale de la chaussure depuis 1930, on y fabrique aussi des jeans depuis 2013 grâce à la marque locale 1083. Vous vous demandez pourquoi ce chiffre ? Tout simplement car il représente la distance en kilomètres entre les deux villes les plus éloignées en France ce qui est bien loin des 65 000 kilomètres parcourus en moyenne par un jeans avant d’arriver dans nos magasins.

1083 confectionne des jeans en coton bio cultivé en Tanzanie ou au Mali. Les jeans sont teints, tissés, et confectionnés en France. La marque a investi dans une machine d’élevage laser qui permet d’économiser 95% d’eau et 75% d’énergie par rapport à la fabrication traditionnelle. La prochaine étape de 1083 sera de fabriquer un jeans avec du fil Seaqual © TM, composé de bouteilles plastique et de déchets marins recyclés.

Un cœur du parc national des Cévennes, une entreprise familiale française fabrique des jeans dans la petite ville de Florac depuis le XIXème siècle. En 2005, elle obtient le label Entreprise du Patrimoine Vivant. L’établissement reste le plus ancien fabricant de jeans en France.

Aujourd’hui en tête des marques branchées qui font la mode en France, l’Atelier Tuffery met à l’honneur des matières nobles et une confection responsable : étiquettes en cuir, rivets en cuivre, jeans conçus, découpés, cousus, assemblés et délavés en France. L’Atelier Tuffery utilise principalement du coton, mais a pour objectif la réduction de son empreinte écologique en utilisant des fibres durables : c’est ainsi qu’il met au point le premier jeans tissé avec de la laine française, celle des moutons Mérinos d’Arles et Lacaune du Causse.
Comme on le sait, le coton pousse de l’autre côté du globe et demande énormément d’eau. Le chanvre quant à lui pousse facilement dans les Cévennes. Pendant deux ans, l’arrière petit-fils de Célestin Tuffery a travaillé à la renaissance d’une filière locale, oubliée en Occitanie et remet au goût du jour des jeans en chanvre.

Après une petite balade en Lorraine, n’oubliez pas de visiter la ville de Nancy et de vous arrêter pour boire un café sur la place Stanislas. A quelques rues de celle-ci se trouve l’Atelier de Davy Dao, qui y fabrique des jeans sous la marque de Dao. Agé de seulement 32 ans, Davy Dao, issu d’une famille de huit enfants, avait l’habitude d’hériter des pantalons de ses grands frères jusqu’à son adolescence. Grâce à divers petits boulots, il réussit à s’acheter son premier jeans rien qu’à lui… Un pantalon malheureusement trop grand. Ni une ni deux, Davy emprunta la machine à coudre de sa mère pour coudre des ourlets et en profita pour customiser son jeans. De là naîtra sa nouvelle passion !

Après un voyage au Vietnam, le pays d’origine de ses parents, Davy découvre l’envers du décor de l’industrie du jeans et se fait embaucher sur une chaîne de fabrication d’où sortent les pantalons des plus grandes marques. De retour en France, il prit la décision de lancer sa propre marque de jeans. Quelques années plus tard, il installe son atelier en plein centre-ville de Nancy. Soucieux de la durabilité, l’atelier Dao vient de lancer son premier jeans en lin.

Les Ateliers de Nîmes ont osé relocaliser la fabrication et surtout le tissage du denim à Nîmes, son fief d’origine.

En 2016, Guillaume Sagot et Anthony Dubois ont proposé des jeans inspirés par la ville créatrice de la toile denim. Au début, les jeans étaient confectionnés dans des ateliers marseillais et parisiens. Mais déjà à ce moment-là, ils avaient l’idée d’investir dans de vieux métiers à tisser pour faire leur propre toile. Grâce à une campagne de crowdfunding, ils ont pu acheter trois métiers à tisser. Depuis 2019, les Ateliers de Nîmes produisent leur propre toile.

Charles Tchakirian est le créateur du Gaulois Jeans. Grand connaisseur du monde du textile, il s’aperçoit de la perte du bon sens dans la fabrication des vêtements. On va chercher à l’autre bout du monde des ressources pour les expédier dans l’autre sens pour la fabrication parfois dans des conditions indignes.

Suite à ces observations il décide de répondre à des enjeux sociétaux et environnementaux qui lui sont chers en fabriquant des jeans à 98% français. Par exemple, il ira chercher le lin en Normandie pour le faire tisser dans la Loire et lancer la fabrication dans la région de Lyon. Ainsi il réussit à réduire l’empreinte écologique de la conception des jeans Made In France.