Jean Fil : quand le coton pousse en France

Planter du coton en France, est-ce possible ? Il y a encore peu de temps, on vous aurait répondu que non. On vous aurait dit que le coton a besoin de chaleur et de beaucoup d’eau. D’ailleurs, des pays comme l’Inde et les Etats-Unis s’en sortent très bien à moindre coût, alors pourquoi essayer de s’y mettre s’il est impossible de les concurrencer ? Trois agriculteurs du Gers ont pourtant relevé le challenge et y sont parvenus avec succès…

Une première en France

Il y a environ cinq ans, Yohan, Médéric et Samuel ont envie de se lancer un défi, de trouver un nouveau filon pour exploiter différemment leurs terres agricoles. Ils constatent que jamais personne n’a tenté de faire pousser du coton en France. Ni une ni deux, ils commandent une poignée de graines sur internet pour faire l’expérience dans leur jardin. Et ça marche ! Les trois paysans réitèrent ensuite la tentative en 2016 sur deux hectares dans leur ville natale de Montréal-du-Gers et récoltent une centaine de kilos des précieuses fibres. Le pari est gagné et l’aventure peut commencer.

Le premier polo 100% français

Pour être rentable, l’entreprise doit obligatoirement transformer elle-même son coton. Impossible de lutter contre la concurrence étrangère qui approvisionne les fabricants de vêtements français. La marque Jean Fil voit le jour avec l’idée de produire le tout premier polo 100% Made in France. Le coton pousse donc dans le Gers, il est transformé en fil dans les Vosges chez Valrupt-Industries, tricoté chez Aube Tricotage et teinté chez France Teinture près de Troyes avant que les polos ne soient ensuite assemblés chez Chanteclair et brodés chez Sobrofi-Sérimar dans la même région.

En tout, le textile Jean Fil parcourt 2 000 km contre 65 000 en moyenne pour les vêtements que l’on trouve habituellement dans nos magasins. L’industrie textile est l’une des plus polluantes au monde, notamment à cause du transport des matières premières. Aujourd’hui encore, la France importe du coton d’Espagne, de Grèce ou des États-Unis. Jean Fil offre ainsi une vraie alternative et prouve qu’il est possible d’inverser la tendance.

Du coton éthique et durable

Certes les coûts de production sont plus élevés qu’à l’accoutumée, mais il est possible de produire du coton sur le sol français de manière responsable. Nos trois mousquetaires du coton ont en outre fait le pari de l’agriculture raisonnée. Pas de pesticides dans leurs champs et on pratique la rotation des cultures pour préserver la biodiversité. Et pour ceux qui pensaient que le climat français était inapproprié, l’équipe de Jean Fil leur a prouvé le contraire. Les précipitations du Gers suffisent à irriguer les cotonniers et la terre argilo-calcaire de la région permet de conserver l’humidité suffisamment longtemps pour éviter l’arrosage. La température moyenne du sol est inférieure à 1 ou 2 degrés de celle exigée par les plants de coton, mais cela fonctionne quand même.

Yohan, Médéric et Samuel savent que les conditions ne sont pas optimales, mais ils font le choix d’une production durable. D’une centaine de polos fabriqués la première année, ils sont passés aujourd’hui à plus de 6 000 polos par an grâce à leur coton français cultivé sur une quinzaine d’hectares.

Après avoir proposé un premier polo, Jean Fil vend désormais un deuxième modèle masculin et un modèle féminin. Ces polos 100% français ne sont pour l’instant disponibles que sur le site de la marque qui se doit de maîtriser la chaîne de production dans sa totalité pour être viable, mais gageons que Jean Fil continuera à se développer à l’avenir. L’aventure ne fait que commencer et l’on pense déjà à produire des t-shirts et des pantalons dans un futur proche.